Kafkakapanama
Il n'y a pas qu'au Brésil où la bureaucracie est fantaisiste et à la limite de la légalité. Dans le genre, Panama se tient bien. Ecoutez donc le Kafkakapanama que nous venons de vivre depuis deux jours.
Il s'agissait tout bêtement de renouveler notre visa qui expire le 12
Décembre prochain et de le prolonger de trois mois de façon à quitter
Panama début Mars afin de rejoindre les Marquises en Avril, hors
période cyclonique dans le Pacifique sud.
Nous allons une première fois au centre d'immigration des plaisanciers
situé dans une zone de Panama appelée Le Diablo. Et c'est véritablement
un diablotin qui va se jouer de nous pendant deux jours et auquel il
faudra résister.
- Venez demain, nous dit le préposé. La dame responsable est en séminaire aujourd'hui.
Et vlan, 3 dollars de taxi pour rien.
Le lendemain, 9h du matin, toujours en taxi, 3 dollars, nous arrivons
au centre et sommes reçu par une grosse madame. Elle demande les
passeports et les papiers du bateau. Diablotin commence à s'y mettre :
impossible de sortir les papiers du bateau. Le cadenas de securité à
code qui ferme le sac à dos reste bloqué. La dame attend avec les
passeports pendant qu'un de ses collègues aide Hervé à ouvrir un anneau
de la fermeture éclair pour la libérer du cadenas. Ca prend un certain
temps tout de même. La queue de Diablotin frétille de joie pendant que
nous tâchons de garder notre sang-froid. Enfin, nous extirpons les
papiers et les produisons devant la dadame.
- C'est que vous avez un problème. Les dates d'expiration du visa des
passeports ne coincident pas avec la date du permis de navigation de
votre bateau. Et vous êtes arrivés en Septembre par l'aéroport.
- Oui, Madame.
- Je ne peux pas vous donner d'extension. Il vous faut aller à la
Capitainerie du port pour arranger les dates du bateau.Et pour les
visas, c'est 1OO dollars chacun. Et si ce n'est pas possible, il vous
faudra sortir du pays.
Ah !
Nous sortons avec comme un coup dans le foie. 2OO dollars avec des complications.....
Partir...... On pense au Costa-Rica mais je ne suis pas du tout prête à
quitter le Panama où nous nous sentons si bien jusqu'à présent.
- Tentons la Capitainerie et après on décidera.
Deux dollars de plus et nous voilà dans l'enceinte du grand port commercial de Balboa, puis à l'intérieur de la Capitainerie.
Nous expliquons la situation et un nommé Roberto se charge aussitôt de nous et d'un autre plaisancier :
- Venez, nous allons au Yatch club pour une inspection de votre bateau et arranger votre affaire.
Tout en conduisant, Roberto explique qu'il va nous aider.
- Légalement, votre cas est impossible, mais je vais vous l'arranger.
AH! comme il est sympatique, cet homme.
- Mais nous ne savons pas au juste si nous allons rester car les visas nous coûtent tres tres chers : 2OO dollars.
- Mais non, mais non. C'est 2OO dollars pour les touristes qui arrivent
par l'aéroport et qui veulent prolonger leur séjour. Pour vous, une
fois que j'aurai fourni votre permis pour le bateau, ce sera 1O dollars
par visa.
De 2OO, on passe à 2O, les choses changent.
Nous arrivons au Yatch club. Je ne vois plus Diablotin dans le coin.
L'ambiance est super sympatique; Roberto nous installe carrément à une
table du bar. Il fait beau. On met le parasol. Il se saisit de nos
papiers et commence par compléter un formulaire en trois exemplaires.
- Voilà, dit-il, retournez à la capitainerie; J'en ai pour une demie-heure pour l'inspection d'un bateau et je vous y rejoins.
Et avec un grand sourire et une aisance incroyable, de rajouter.
- Tout cela vaut bien un petit pourboire, n'est-ce-pas Senora.
Ah ! nous ne nous attendions pas à ca. Ca se passe en français maintenant.
- pourquoi veux-tu lui donner quelque chose.
- bien obligée, il demande un pourboire.
- combien ?
- Donne-lui 3O
- 2o c'est suffisant.
- Je te dis 3O
- J'ai deux billets de 2O;
- Ok, Senor Roberto, d'accord pour 3O dollars.
ca a l'air de lui plaire.
Je lui tend les deux billets de 2O et lui demande 1O en retour. Bien
sûr, il ne les a pas. Hervé essaie au bar. Personne ne peut lui donner
la monnaie et c'est Roberto, finalement qui va la trouver. Pittoresque !
Et Roberto empôche prestement les 3o Dollars. C'est bien la première
fois dans notre périple que nous participons à la corruption
bureaucratique.
Parfait et pour 2 dollars, à nouveau à la capitainerie.
Nous entrons et prenons place sur le canapé. Des agents sont en train
de manger leurs barquettes repas. Nous nous préparons à attendre. Mais
non ! un agent se lève et veut s'occuper de nous. Ouille ! ce n'était
pas prévu dans le scenario. Le type nous dit d'aller voir un bureau à
côté pour arranger notre affaire. Où va-t'on ?
Ce ne sont que des dames et pour elles, c'est un cas impossible à
régler car l'expiration du permis du bateau se porte sur 2O1O; voyant
notre déconfiture, la chef nous propose une solution : lui ramener un
papier du Yatch club certifiant que nous partirons bien en Mars, plus
une facture du meme lieu. De retour dans la capitainerie, nous décidons
d'attendre Roberto. Helas, un autre sous-fifre vient nous questionner
et c'est à nouveau Kafkakakakakka.
Alors là, on en a marre.
-Nous partons, Senor. C'est avec le Senor Roberto que nous verrons tout ca.
lE Type appelle Roberto et me tend son appareil. Je ne sais pas comment
on écoute avec et je n'entend rien. Puis enfin Roberto, tres impatient
: passez-moi mon collègue !
le collègue se met alors à nous décrire les frais deci, delà et nous
laisse dans un état confus. On n'y comprend plus rien. C'est Kakkkkka !
Mais où est Roberto ? Il a empôché ses 3O dollars et nous a fichu dans une mierda pas possible avec tous ses collègues.
- Retournons au Yatch club. Peut-être y est-il encore .
3 dollars et nous voici dans le parking du restaurant du Yatch club. On
ne voit pas sa voiture; Nous sommes écoeurés, lessivés, furieux;
- Et bien, il n'y a plus qu'à se préparer pour le Costa Rica.
Eric, un français qui rallie Panama au Bresil avec sa moto de course
est là. Lui aussi, a de serieux problèmes. Il est ici depuis 1O jours à
chercher un embarquement pour le Pérou.
Nous nous attablons ensemble. Et soudain, que vois-je venir ? le Roberto.
je me lève de notre table et lui dis de venir à la table voisine. Je suis carrément furieuse.
- Il vous faut un papier de votre yatch club, me dit-il et j'arrangerai l'affaire.
- Eh bien ! moi, je ne fais plus rien. Faites ce que vous voulez. Allez chercher le papier. Mais moi, je ne fais rien.
- Donnez moi vos papiers. Je m'en charge.
Il repart avec les papiers. Nous buvons notre bière et commandons un
repas. Il arrive, exibe un papier du Yatch club et nous demande d'aller
à la capitainerie.
- d'abord nous mangeons et ensuite nous irons avec vous. Sinon, nous n'irons pas.
- oK ! tout le monde mange et on part ensemble.
Zero dollars et nous voici à nouveau à la Capitainerie. Cette fois,
Diablotin est bien tenu en laisse. Nous entrons dans le bureau des
Madames avec Roberto. Il exibe le papier. La chef est un peu estomaquée
mais elle opine de la tête et demande à sa sous-fifre de donner le
permis du bateau jusqu'au 1 Mars. C'est 69 dollars. On paye et Roberto
nous reprend dans sa voiture :
- c'est strictement interdit. Si mon chef me voyait !
Nous, on commence diablement à rentabiliser nos 3O dollars.
- Retourner à l'immigration. Pas de problème, ils feront l'extension des visas pour 2o Dollars maintenant.
Je n'ai pas l'impression qu'Hervé ou moi l'ayons remercié.
- Quand vous partirez, téléphonez moi, je vous arrangerai votre sortie du territoire.
Ok ! Roberto.
Il reste à savoir si la madame de l'immigration va nous prendre 2O ou
2OO dollars. De toutes façons, on n'en démordra pas et on a le numéro
du portable de Roberto; Décidément, tout ça vaut sans doute dans les 3O
dollars et pico.
Le Diablo, ce sera pour demain. On en a vraiment assez pour aujourd'hui.
Le Diablo, la grosse Madame :
- Les passeports, s'il vous plait et le permis de navigation du bateau.
- Un moment, s'il vous plait. Maintenant, n'y a-t'il pas une difference de prix pour le visa.
- Non, c'est 1OO dollars chacun.
- Pardon, mais à la Capitainerie, on nous a affirmé que c'était 1O dollars.
- C'est 1OO.
Devant notre réticence, la Dadame demande les coordonnées du sous-fifre
de la capitainerie et se met à téléphoner dans son bureau. Ca fait un
sacré ramdam et ca dure, ca dure.
Enfin elle revient;
- C'est mon travail. Pas le leur. C'est moi qui connait les tarifs.....
Et pan ! nous sommes à 1OO dollars.
- Vous acceptez ?
Et nous acceptons, piteux comme pas un.
- Revenez demain. Vous paierez quand j'aurai la signature de mon chef.
Le lendemain, signature pas donné. Revenez lundi, après le weekend.
Samedi, qui je vois sortant du bar du Yatch Club, mon sous-fifre qui a
empoché les 3o dollars. Je me précipite. Ah ! il a l'air vraiment
contrit, géné, ennuyé et je suis la dernière personne qu'il
souhaiterait voir.
- C'est un tel qui m'a donné l'information.
- Que voulez-vous que cela me fasse que ce soit un tel. C'est 1OO et
pas 1O et nous serions déjà en route pour le Costa Rica si nous avions
su la vérité. Et cela nous a coûté 3O dollars de pourboire pour rien.
- Vous voulez les récupérer.
Je ne me démonte pas.
- Oui, Senor, je le veux.
-Je vais faire une inspection et je vous retrouverai ici.
Je ne sais pas quelle inspection il a bien pu faire mais Hervé et moi
nous avons mangé au Yatch Club et nous n'en avons pas vu la couleur de
notre sous-fifre ni celle bien sûr de nos dollars.