UN PORT ASIATIQUE
C'est KK, (prononcé KéKé), Kota Kinabalu, notre véritable première ville asiatique.
Nous l'avons abordée par son port en venant de Kudat où nous avions fait notre entrée en
Malaysie, un port bien encombré de ces bateaux de pêche que nous avions croisés en mer.
C'est dans une petite anse du port bien protégée que nous avons trouvé notre ancrage,
enfin nos ancrages. Car ce n'est pas une fois que nous avons changé de place mais 5 fois
au total. Sont avec nous en permanence, le voilier de deux hollandais, Ben et Astrid, le
cargo d'un Australien, Grant et un superbe ketch appartenant à un français.
Se rajoutent au gré des changements de temps les pêcheurs.
Et ce sont eux la véritable menace. Car ici, un bateau de pêche ne mouille jamais tout
seul. Ils se rajoutent jusqu'à 10 ensemble, couple à couple, et forment une espèce de
grosse méduse bariolée qui dérive dangeureusement sur vous.
La première fois que nous avons eu affaire à cette étrange voisine, un coup de vent
s'annonçait, avec ciel d'encre et pluie forte. C'était vers la tombée du jour. Pas le
meilleur moment pour décamper. Nous les avons vu venir occuper tel ou tel endroit de
l'anse jusqu'à ce qu'un énorme paquet se forme à une demie encablure de notre Papadjo,
ancré pour la 4em fois entre les Hollandais et l'Australien. Le vent était encore faible
mais les dix proues pointaient sur nous à faible distance, en dérivant sensiblement vers
notre pauvre Papadjo qui commençait à se sentir chatouiller de l'arrière.
Branle-bas de combat ! à votre ancre, Capitaine !
Le guindeau répond super-bien, l'ancre est dégagée mais soudain arrêt total. La chaîne se
trouve bloquée par un fil de pêche-les fonds ici sont plus que douteux, sacs plastique et
déchets divers- et plus rien ne répond. On ne peut plus ancrer nulle part puisqu'on ne
peut plus faire tomber la chaine.
Le fil s'est enroulé autour du guindeau. Un couteau permet d'en extraire une partie, mais
ce n'est pas suffisant. L'attention d'Evelyn doit être rivée à la dérive du bateau
pendant qu'Hervé entreprend de démonter le guindeau pour extirper tout le fil; autour de
nous, l'obscurité gagne, les lumières de la ville se font de plus en plus vives et les
grandes grues des chantiers lancent les éclats de leurs grosses ampoules.
Enfin, Hervé libére le guindeau, le remonte et nous sommes libres de réancrer !
Le coup de vent n'aura pas lieu pour autant et nous passerons une nuit tranquille à bonne
distance des pêcheurs.