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Les aventures du Papa Djo
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18 mai 2010

La vrai civilisation !

Jeudi de l'Ascension/Taipivai

C'est Edith Piaf et les Compagnons de la chanson qui entonnent ensemble une superbe chanson sur un certain J. François Nicaud qui vient de naître au fond de la vallée : Cloches, cloches, sonnent, sonnent .....
Nous fredonnons la chanson de J. François dans la vallée de Taipivai. Quel bonheur d'être ici ! Enfin, un seul voilier dans la baie, le nôtre. Enfin, une solitude pleine de vie, de vraie vie. Il n'y a plus la frénésie, l'agitation qui règnent dans les mouillages où se pressent les bords de nombreux bateaux. Nous sommes les maîtres d'un espace d'eau, de terre et de ciel et ne les partageons qu'avec les locaux, encore que l'espace eau soit carrément pour nous jusqu'a la fin de l'après-midi. C'est à ce moment là où les Marquisiens du village de Taipivai arrivent sur la plage et mettent à l'eau leurs pirogues à balancier. C'est leur distraction et leur sport.
Nous faisons de suite connaissance avec Leiton, au beau regard vert et chaleureux. Il habite dans la baie, une maison toute bleue avec sa femme Marie-Diana et ses filles, Couronne de La Trinité et Rayon de Soleil.
- De chez moi, je vois votre voilier. Nous sommes juste en face.
 Ici, cela se sent, il n'y a pas ou peu de touristes ou de voiliers. Le Marquisien y vit sa vie de façon authentique. Vous êtes là, c'est bien mais vous n'allez en rien déranger leur monde.
Leur monde, c'est cette vallée magnifique et fertile qui s'étend sur des km enserrée par des montagnes fastueuses couvertes de cocotiers dans les versants les plus bas, de forêts touffues plus haut, puis de vertes prairies d'altitude où broutent les vaches rousses et les chèvres sauvages. Au fond de la vallée, partant d'une cascade vertigineuse, court en méandres jusqu'à la mer, un ruisseau mélodieux. Vallée qui les nourrit, avec ses cochons et ses poules à demi-sauvages, ses fruits nombreux, les écrevisses de sa rivière, sa beauté pacifique qui rassure le coeur et enchante l'esprit. Pas étonnant qu'Herman Melville en fut inspiré dans sa - remontée vers la vallée des Tipee -.

Premier jour, nous nous reposons et arpentons le village qui court d'une seule rue, le long de la rivière, avec ses bougainvilliers orange, violet, blanc ou rose, les arbres de Tiaré, blanc immaculé et ses ibiscus rouge et orange à profusion. Chaque arrêt, c'est une petite conversation avec les locaux que nous croisons. Nous connaissons déjà Leiton qui vient tous les soirs régater avec sa pirogue, des enfants intrigués par le bateau qui posent un tas de questions, Delphine, la personne en charge du dispensaire.

Le jour suivant, c'est le jeudi de l'ascension; La messe à 8h. C'est très joli cette messe avec les marquisiennes aux longs cheveux bruns et soyeux, fleur de tiaré à l'oreille et ces Marquisiens aux chemises décorées d'hibiscus avec leurs petits enfants si rieurs. C'est très rythmé aussi par les guitares qui accompagnent de très beaux chants. Tout se dit en Marquisien. Donc nous ne pouvons rien comprendre. Mais n'en etait-il pas de même avec le latin autrefois ?
En tout cas, c'est émouvant. Lorsque nous sortons, les enfants viennent à nous pour nous dire bonjour, Delphine que nous avons du mal à reconnaitre tant elle est belle dans sa robe blanche toute brodée, nous présente son mari : Il a deux tailles de moins qu'elle en grandeur et en épaisseur. Enfin, nous ne sommes pas des inconnus.
Et de suite après la messe, nous faisons comme tout le monde, nous allons manger de bons gateaux au magasin du village. Assis sur le devant du magasin, dégustant comme nous son gateau du dimanche, la sacristine nous reconnait;
- Où allez-vous maintenant ?
- On voudrait aller voir le Marae aux Tikis.
- Alors essayez d'y aller en voiture. Tenez, justement, il y a dans cette voiture-là qui va partir les propriétaires du terrain des Tikis. Allez vite leur demander de partir avec eux.
Et c'est ainsi que nous voici partis pour le Marae.
Le Marae de Taipivai est très beau avec plusieurs Tikis de belle taille encastrés dans l'esplanade des sacrifices. Sous un manguier croulant de fruits, broute un cheval. L'ensemble est idyllique.
Puis nous continuons notre chemin. Le but est d'atteindre la cascade au fond de la vallée. C'est très loin, des kilomètres et des kilomètres. Nous n'atteindrons jamais la cascade, seulement, la station de captage d'eau qu'on appelle ici "la tribune". Le ruisseau a de la profondeur et on s'y baigne avec plaisir. Quand nous revenons, nous croisons à nouveau un tas de cochons sauvages avec leurs petits, une horde de chevaux qui dés notre arrivée à proximité s'éloigne prestement au galop. C'est superbe. une petite voiture rouge arrive et s'arrête à notre hauteur.
- Où allez vous comme ça ?
- Au village.
- Mais c'est loin, le village.
- Vous pouvez nous amener.
- Pas maintenant. Nous allons nourrir nos cochons avec du coco.
- Où sont-ils vos cochons ?
- Partout dans la montagne. Nous allons les appeller;
- Et ils vont venir ?
- Oui !  bien sûr ! ils nous connaissent;
Et J. Bapthiste et Bernard-ils s'appellent ainsi- se mettent à appeller leurs cochons avec des sortes de hullulLements prolongés. Les cochons dévalent les pentes et les rejoignent.
Nous continuons le chemin; Peu après, la petite voiture rouge stoppe devant nous.
- Allez, montez ! On vous ramène au village.
On monte à l'arrière du pick-up - c'est défendu mais il n'y a pas de gendarme ici-
J. Baphtiste habite une des premières maisons; Nous faisons le reste du chemin à pied. Deux cavaliers dans la rue du village. On s'arrête, on discute. Comme c'est curieux, l'un d'entre eux n'est autre que le frère de J. Bapthiste, Terike
Les chevaux sont superbes;
- Mon père m'a donné ce cheval quand j'ai eu 6 ans. Nous ne nous sommes jamais quittés.
Les jeunes hommes montent à cru, sans selle ni étriers.
Les chevaux, il y en a partout, dans les jardins, dans les cours des maisons, sur les sentes de la montagne,près des ruisseaux.
 Le cheval, ici,  reste le compagnon de l'enfant, de l'adolescent puis de l'homme. Dans ce village, il y a des cavalcades, des poursuites de pick-up à cheval, comme un pied de nez à la modernité.
Ah ! la modernité, le progrès, la civilisation !les Marquisiens sentent bien que ce n'est pas le vrai bonheur. Mais y résister, alors que c'est si tentant .....
- On est comme des enfants, On veut toujours plus de bonbons même si on sait que cela va nous donner des caries, nous a dit Leiton en éclatant de rire.
Les bonbons, ce sont tous les objets périssables de la modernité, TV, voitures, magasins.
 - Certains ne cultivent plus. Ils vont acheter au magasin maintenant.
Sans aucun doute, les subsides du gouvernement français entament la résistance de cette société traditionnelle; néammoins le Marquisien, en général, conserve ses chevaux, ses cochons dans la montagne, sa barque de pêche. Il vit quasiment en autarcie, comme avant. Le coût de la vie moderne est tellement élevée ici qu'il est difficile de faire autrement pour la grande majorité, sans doute.
- Mais restez donc comme vous êtes. Surtout ne changez rien ! ni la langue ni les danses ni les coutûmes.
Sous-entendu, ne devenez pas comme nous, avides, calculateurs,cumuleurs d'expériences, consommateurs de tout et de rien, individualistes et champions de toute sorte.

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